Trois coopératives de caféiculteurs burundais certifiées « commerce équitable »en 2013
- Le Burundi est classé parmi les pays les plus pauvres de la planète. La culture du café constitue sa principale source de devises. Selon les années, la part du café varie entre 50 et 87% des recettes d’exportation du pays. Cependant, les crises politiques qui se sont succédées au pays ont entrainé une régression du secteur du café en particulier et de l’économie burundaise en générale. A partir de 2005, avec le retour à un climat de paix, l’Etat a donné priorité au redressement du secteur suite aux exigences des institutions de Bretton Woods.
Sur recommandation du FMI, au cours de la même année la privatisation de la filière café a été adoptée par le Gouvernement Burundais tandis que la stratégie prise par la Banque Mondiale dans cette privatisation ne faisait pas l’unanimité : favoriser des investisseurs étrangers car ce sont eux qui ont le plus de moyens et de compétences pour redresser un secteur à la dérive. Pour les producteurs, le meilleur moyen de redresser la filière à la dérive était de les impliquer directement pour qu’ils puissent eux-mêmes, développer cette activité qui leur permet de vivre.
Une vision des producteurs pas prise en compte, mais porteuse d’espoirs réels
Bien que cette vision des producteurs n’ait pas été prise en compte, cette culture est presque entièrement l’affaire des petits paysans qui produisent du café à partir de petites exploitations familiales ne dépassant pas en moyenne 200 pieds par producteur. Aujourd’hui plus que jamais, le slogan « Trade, not Aid » prend tout son sens dans les cœurs des caféiculteurs Burundais. Depuis que les écarts de richesse entre les populations des pays les plus riches et celles des pays les plus pauvres ne cessent de se creuser malgré les sommes investies dans l’aide au développement, les caféiculteurs burundais veulent valoriser leur travail et s’affranchir de la dépendance des aides traditionnelles du Nord vers le Sud qui n’ont apporté que la charité, infantilisant les populations du Sud depuis les années 60.
Depuis 2009, appuyés par la Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs du Burundi (CNAC), Inades-Formation Burundi et l’Association Appui au Développement intégral et la Solidarité des collines (ADISCO), certains caféiculteurs appartenant aux associations paysannes ont commencé à rassembler leurs petites sommes d’argent pour se construire des stations de lavage de café. Ils ont ainsi formé autour d’elles des coopératives qui sont prises comme une approche nouvelle et progressive permettant aux caféiculteurs de prendre en main leur en transformant leur agriculture en une affaire rentable.
En 2012, 92 coopératives étaient agrées à travers tout le pays mais onze d’entre elles ont pu construire leurs stations de lavage.Ces coopératives voulaient améliorer et contrôler toute la chaîne de valeur du café.
Au cours de la campagne café 2012-2013, ces onze coopératives de caféiculteurs possédant déjà leurs stations de lavage se sont regroupées dans le Consortium des Coopératives de Caféiculteurs (COCOCA) qui coordonne toutes les activités liées à la commercialisation et au marketing du café des coopératives.
- La fierté d’y arriver
C’est en mars 2013, que trois des onze coopératives membres du consortium viennent d’être certifiées commerce équitable. L’objectif pour l’année 2014 est que tous les membres du COCOCA soient certifiés commerce équitable.
Jusqu’en 2013, la certification de café au Burundi était encore presque inconnue. Une seule station de lavage [1], Kagombe de la Sogestal Kirundo-Muyinga était certifiée UTZ Les trois coopératives qui ont été certifiées commerce équitable en mars 2013, sont dans la province Kayanza, la coopérative KAZOZANIKAWA dont la station de lavage est située à Mpemba, commune Matongo, et la coopérative DUSANGIRIJAMBO dont la station de lavage est construite à Maruri, commune Kayanza. MBONERAMIRYANGO est la troisième coopérativeetsa station de lavage est construite à Kaguhu, commune Giheta dans la province de Gitega.
Œuvrer pour aller plus loin
Les autres coopératives des caféiculteurs burundais devraient chercher la certification commerce équitable.En effet, la certification du commerce équitable a vu le jour à la fin des années 80. Il s’agit d’un système dans lequel les producteurs s’engagent, à organiser leur fonctionnement collectif souvent sous la forme d’une coopérative et de manière démocratique.Ils prennent soin de respecter les prescriptions environnementales et sociales qu’exigent leurs acheteurs et autres acteurs venus des pays du Nord. Quant à ceux-ci ils s’engagent à acheter ou faire acheter la production à un prix qu’ils définissent comme « juste » tenant compte des coûts réels de production, de la rémunération des producteurs et de leurs salariés. Personne n’ignore que le marché mondial du café connait depuis longtemps une offre qui a tendance à dépasser la demande et cette situation influence les prix payés aux producteurs. De plus, les coûts de production du café en termes de main d’œuvre, d’engrais, de paillis et d’achats de matériel sont souvent au-delà des moyens des producteurs. Cependant, d’après certaines recherches, il s’est avéré que les producteurs reçoivent 4% du prix de vente final, les détaillants en garde 20% et les torréfacteurs 70%. Cela signifie que lorsqu’on paie un paquet de café à 2000 BIF [2] en magasin, le producteur touche 80 BIF.
Pour un prix juste
Dans le commerce équitable, Les prix du produit sont déterminés sur la base des coûts de production. L’organisation FLO qui se charge de cette certification a estimé les coûts moyens de production par pays, et les calculs prennent en compte les coûts « supplémentaires » qui peuvent survenir en raison de critères pour la certification du commerce équitable, tel que le « minimum vital » pour les travailleurs. Le prix minimum du commerce équitable à payer par les commerçants sous licence est le prix de production plus une prime de commerce équitable. Une partie de cette prime peut être utilisée par la coopérative afin d’améliorer l’organisation ou la qualité du café, ou pour effectuer d’autres investissements importants à la station de lavage pour la durabilité économique à long terme. L’autre partie de la prime doit être utilisée pour des améliorations environnementales et sociales.
La nature « commerciale » du commerce équitable devrait être perçue par tout le monde comme « un gage de respect et d’égalité envers les producteurs et comme un facteur de leur développement économique ». Le prix généralement plus élevé des produits équitables payé par les consommateurs du Nord aux producteurs du sud n’est pas un achat de charité. C’est plutôt un échange de réciprocité qui reflète une haute qualité, qui respecte et valorise le travail des producteurs du sud.
Revendications des caféiculteurs ignorées
La stratégie de privatisation de la filière café que la Banque mondiale applique au Burundi ne devrait pas être basée sur les conclusions des bureaux d’étude venant du Nord. En effet, ceux-ci se penchent plutôt vers le favoritisme envers les gros investisseurs étrangers et ne tiennent pas compte du développement du petit producteur. Les producteurs à travers la Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs (CNAC), ont largement revendiqué qu’on leur vende certaines des stations de lavage appartenant à l’Etat, mais leurs revendications n’ont pas été écoutées. Par ailleurs, la garantie des prix d’achat supérieurs aux prix du marché auxquels s’ajoutent les primes de développement à travers ce genre de commerce devrait apporter un soutien réel et concret au développement des familles des producteurs burundais en finançant des écoles, des infrastructures sanitaires, des routes, etc.
Richard Sahinguvu