Inades-Formation Burundi a organisé, le 12 avril 2018, un atelier de restitution de son étude sur l’accès aux semences de qualité du sorgho et du haricot par les petits producteurs des provinces Kirundo et Cibitoke. Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet de « Valorisation des vivres de souveraineté » pour une alimentation saine, diversifiée, durable et suffisante pour tous.
Une étude sur l’accès des petits producteurs aux semences de qualité du sorgho et du haricot
Dans le but de contribuer à la promotion des systèmes alimentaires basés sur l’Agriculture familiale dans les pays africains au Sud du Sahara pour une vie digne pour toutes et tous, en garantissant une alimentation saine, diversifiée, durable et suffisante pour tous, le réseau Inades-Formation a lancé le projet de « Valorisation des vivres de souveraineté » mis en oeuvre dans 8 pays du réseau, dont le Burundi .
Dans cette optique, Inades-Formation Burundi a choisi de travailler sur deux vivres de souveraineté : le sorgho et le haricot. Ces deux cultures sont historiquement ancrées dans les habitudes alimentaires des populations burundaises, dans les échanges commerciaux et dans les pratiques culturelles. Elles sont reconnues pour leur adaptation aux changements climatiques, leur qualité nutritionnelle, leur faible dépendance vis-à-vis des intrants minéraux et leur rôle important dans la dynamisation de l’économie locale.
Toutefois, malgré leur importance, les producteurs de ces vivres de souveraineté font face à beaucoup de contraintes, parmi lesquelles figure l’accès aux semences de qualité.
En effet, malgré les efforts de l’Institut des Sciences Agronomiques du Burundi sur la recherche et la production des semences (ISABU), très peu de producteurs ont accès à ces semences. Face à cette contrainte, les producteurs sont obligés de recourir aux semences tous venants, peu productives et dont la qualité est parfois méconnue.
Aussi, afin de faciliter l’accès des petits producteurs aux semences de qualité, Inades-Formation Burundi a commandité une étude sur l’accès aux semences de qualité du sorgho et du haricot par les petits producteurs des provinces Kirundo et Cibitoke».
Les résultats de cette étude ont été présenté aux différentes acteurs le 12 avril 2018, lors d’un atelier de restitution. Ont pris part à cet atelier les représentants du peuple, les représentants des services techniques du Ministère de l’agriculture et de l’élevage, de la brasserie, les producteurs accompagnés dans le cadre du projet, les représentants des ONGs, les multiplicateurs des semences et les transformateurs du haricot et du sorgho.
L’atelier a débuté par un discours d’ouverture présenté par le Représentant Légal d’Inades-Formation Burundi. Le consultant qui a réalisé l’étude a, ensuite, présenté, dans un exposé, les résultats de l’étude .
90% des semences fournies par le système traditionnel
L’étude a montré que le cadre législatif et réglementaire s’est amélioré. La loi semencière actualisée en 2012 dispose d’un organe clé pour la certification des semences à savoir l’Office National de Contrôle et de Certification des Semences(ONCCS) longtemps attendu. L’opérationnalisation des différentes dispositions législatives, réglementaires, se fait de façon progressive. Des structures au rôle crucial comme le Comité Technique pour l’Homologation et l’inscription des variétés au catalogue national et les services de certification des semences sont opérationnelles.
Au niveau de la recherche, plusieurs résultats ont été enregistrés en matière de sélection variétale surtout sur le haricot pour lequel une longue liste existe avec des variétés adaptées aux différentes zones agro écologiques du pays, avec des techniques culturales d’accompagnement. Dans la zone du projet, on récence plusieurs acteurs semenciers impliqués dans la multiplication des différentes catégories de semences avec des approches spécifiques à chaque intervenant.
Malgré ces efforts, le système semencier « formel » approvisionne uniquement 10% des producteurs et coexiste avec le système traditionnel «informel » qui fournit les semences à 90% des agriculteurs.
Dans la zone du projet, le système informel est presque exclusif. Cependant, la majorité des politiques publiques et des investissements aussi bien pour la production, la commercialisation, la distribution que l’utilisation des semences visent principalement le système formel.
Des recommandations aux différentes acteurs pour faciliter l’accès aux semences de qualité du sorgho et du haricot
Le consultant note que pour l’accompagnement des groupements des petits producteurs, Inades-Formation Burundi pourrait assurer la liaison entre les groupements de petits producteurs de la zone du projet et les multiplicateurs des semences certifiées qui produiraient ces semences par commande. Inades-Formation Burundi assurerait des formations spécifiques et faciliterait l’organisation et la gestion des boutiques d’intrants confiées aux petits producteurs. Il pourrait également appuyer les producteurs à améliorer la qualité des semences paysannes qui sont produites et échangées de manière informelle.
Après l’exposé du consultant, les participants ont soulevé des préoccupations qui ont fait objet de débats. Il s’agit notamment :
- Des superficies exigées par la loi pour les multiplicateurs de semences
- Des prix élevés des semences de prébase par rapport à la capacité financière des agriculteurs
- De la conservation des variétés locales qui risquent d’être perdues
- Du manque d’intérêt aux semences paysannes alors qu’elles approvisionnent près de 90% des agriculteurs
- La loi semencière non traduite en langue nationale et qui est de ce fait non connue des producteurs agricoles
Ces préoccupations ont été débattues au cours des travaux en groupe qui ont abouti à la formulation des recommandations suivantes:
- Au parlement de voter un budget consistant, spécialement affecté à la filière semencière, de plaider auprès du gouvernement pour que les services techniques du MINAGRIE ayant en charge la gestion de la filière semencière (ONCCS) soient dotés d’un personnel suffisant ;
- La politique semencière devrait montrer comment ce secteur pourrait être financièrement soutenu notamment par une politique de crédit pour les cultures financièrement rentables et par des facilités (dont la subvention) à accorder à la multiplication de certaines semences moins rentables sur le plan financier mais d’une grande valeur sur le plan nutritionnel et culturel comme le haricot et le sorgho;
- Au Gouvernement et aux partenaires techniques et financiers, de subventionner les semences surtout pour les petits agriculteurs, étant donné que les semences déjà insuffisantes sont vendues à un prix très élevé.
- Multiplier les centres d’approvisionnement en semences de pré bases en les approchant le plus possible des producteurs;
- Harmoniser les interventions et définir une stratégie de multiplication des semences commerciales le plus près possible de l’agriculteur;
- Définir une politique d’amélioration et de valorisation des semences paysannes qui approvisionnent près de 90% des agriculteurs;
- Aux services techniques du MINAGRIE, de publier le calendrier en temps réel pour pallier à l’insuffisance des semences de pré bases et en particulier à l’ISABU pour certaines variétés;
- De sensibiliser les multiplicateurs de semences et les agriculteurs pour passer les commandes à temps auprès de l’ISABU qui produit les pré bases;
- A l’ISABU d’essayer de mettre au point des variétés de sorgho à cycle végétatif court.
Le haricot et le sorgho, des vivres de souveraineté aux nombreuses vertus
Le haricot et le sorgho sont des vivres qui possèdent de nombreuses vertus.
Sur le plan nutritionnel, le haricot est consommé par presque toute la population burundaise (rurale et urbaine) et est d’une grande valeur protéique (23%).
Le sorgho est riche en fer et en calcium et sa teneur en phosphore en fait un aliment dynamisant et utile pour la constitution des cellules nerveuses et sanguines et essentiel pour la calcification des os. Le sorgho est réputé pour sa teneur élevée en hydrates de carbone et sa consommation fournit des quantités importantes de calories, ainsi que des apports appréciables en lipides. Il est utilisé dans la fabrication de la farine composée utilisée pour faire la bouillie qui constitue un aliment essentiel des enfants.
Sur le plan environnemental et adaptation aux changements climatiques, le haricot est très peu consommateur d’engrais et de produits phytosanitaires. Comme légumineuse souvent associée à d’autres cultures (surtout le maïs), il fixe l’azote atmosphérique qui à la fois le nourrit et nourrit la plante qui lui est associée. Le sorgho est une plante à grande diversité variétale et est adapté aux faibles précipitations (200-600 mm), aux sols marginaux et aux températures élevées.
Sur le plan culturel et social, la bière de sorgho joue un rôle important dans les cérémonies familiales, surtout de dots et levées de voiles des jeunes mariés. A l’époque royale, le sorgho était utilisé dans la fête rituelle de l’«Umuganuro » qui symbolisait le début de l’année agricole.
Démonstration et dégustation de mets à base de vivre de souveraineté
L’atelier a été une occasion pour les participants d’assister aux séances de préparation des différents mets dérivés des vivres de souveraineté comme le haricot et le sorgho et de les déguster. Il s’agit notamment de la bouillie fabriquée à base de haricot et de sorgho, des beignets à base du haricot, et de la pâte à base du sorgho.