La plupart des cultures vivrières et produits d’élevage et/ou produits de la cueillette, traditionnellement dominants dans l’alimentation des populations locales des pays africains au Sud du Sahara, sont de nos jours en perte de vitesse au niveau de la production et de moins en moins importants dans le panier alimentaire des ménages. Il s’agit par exemple du mil, fonio, sorgho, niébé, haricot, taro, sésame, patate douce poulet local, les noisettes, criquets et fruits sauvages, etc.
Les causes de cette perte d’importance sont diverses :
- abandon progressif, par les producteurs, pour des raisons de pénibilité du travail, surtout au niveau du conditionnement ;
- changements au niveau des habitudes de consommation pour raison de substitution par d’autres produits. Par exemple, la part des importations dans la consommation totale de céréales, évaluée à environ 5%, juste après l’indépendance, se situe, ces dernières années, aux alentours de 25%[1], vu l’augmentation progressive de la consommation du riz, blé et produits dérivés ;
- la baisse du soutien au développement du secteur agricole familial et des échanges alimentaires entre villes et campagnes, l’accent mis sur des politiques de promotion de la monoculture d’exportation au détriment des cultures traditionnelles.
Or, ces cultures ont des grandes vertus – valeurs nutritives mondialement reconnues, valeurs thérapeutiques, valeurs culturelles / traditionnelles. Ce sont aussi des cultures vivrières de résilience – qui poussent sur des sols pauvres, tolérantes aux changements climatiques, etc. Enfin, les exploitants agricoles familiaux, surtout les femmes, sont les dépositaires d’un vaste savoir et savoir-faire accumulé autour de ces produits en matière des pratiques culturales enrichies, transmises de génération en génération, de recettes pour cuisiner les « mets du terroir » et de la préservation de l’agro-biodiversité.
En fait, le concept de « vivres de souveraineté » découle de ces caractéristiques de résilience, de savoir et savoir-faire accumulé sur les semences, les techniques culturelles et des recettes pour cuisiner. De par ces caractéristiques, les exploitants familiaux sont souverains, hors des circuits de semences brevetées, moins dépendants des engrais et intrants chimiques importés, ont un contrôle sur leurs savoirs et savoir-faire. Bref, ce sont des cultures qui préservent la souveraineté des pays africains sur leurs systèmes alimentaires !
Au regard de ce qui précède, la promotion de la souveraineté alimentaire des pays africains passe nécessairement par le repositionnement des « vivres de souveraineté » au cœur de leurs systèmes alimentaires. C’est dans cette logique qu’Inades-Formation a initié en début 2017 le « Programme de soutien au développement des systèmes alimentaires basés sur l’agriculture familiale pour une alimentation suffisante, saine, durable des populations des pays africains au Sud du Sahara ». A travers ce programme, Inades-Formation veut soutenir :
- la consolidation et l’amplification du patrimoine intellectuel et culturel des populations locales (savoir, savoir-faire et savoir vivre locaux) en matière de pratiques culturales et de recettes de « mets du terroir » enrichies et transmises de génération en génération; ce qui constitue d’importants leviers de souveraineté alimentaire ;
- la valorisation des ressources génétiques locales et la préservation de l’agro-biodiversité – sélection, multiplication, conservation et amélioration des variétés cultivées particulièrement adaptées aux écosystèmes locaux, facteurs importants de résilience face aux changements climatiques et volatilité économique ;
- l’émergence d’une économie sociale et solidaire (solidarité ville-campagne), comme moteur d’amélioration du système de desserte des marchés locaux et urbains et permettre à tous les acteurs intervenant dans la production, la transformation et la distribution de vivre dignement du fruit de leur labeur ;
- de stimuler la prise de conscience sur le rôle stratégique des « vivres de souveraineté » dans les systèmes alimentaires locaux et nationaux et d’attirer l’attention des décideurs et du grand public sur : 1) les menaces liées à la disparition progressive des variétés locales de semences à la base de la richesse de la biodiversité africaine. 2) l’agriculture familiale et ses fonctions économiques, sociales, environnementales et culturelles. 3) le rôle majeur de la femme africaine dans l’approvisionnement régulier des villes en denrées alimentaires. 4) les questions d’accès et de contrôle des ressources productrices (terre, financement, eau, savoir-faire) par les familles agricoles. 5) l’approvisionnement des centres urbains et l’accès des couches défavorisées aux denrées alimentaires.
A travers ce programme visant principalement la promotion des « vivres de souveraineté », Inades-Formation continue de se mettre au service du bien commun, en contribuant à la jouissance par tous du droit à une alimentation suffisante, saine et durable.
[1] Source: données FAOSTAT, 2004
Article disponible dans la lettre d’Inades-Formation N°003-2017